Chaque jour, nous sommes amenés à prendre des décisions qui rythment notre quotidien. Que vais-je manger au déjeuner? Quels vêtements vais-je porter? Que ferai-je de mon temps libre en soirée? Ce besoin d’exercer du contrôle sur les événements de la vie et de prendre des décisions conséquentes nous amène, entre autres, à exprimer des préférences, à faire des choix et à revendiquer nos droits. Ces manifestations traduisent en fait notre besoin d’autodétermination.
Les trois principaux éléments de l’autodétermination
Plusieurs auteurs et chercheurs ont tenté de proposer des définitions de ce qu’est l’autodétermination. Trois éléments sont généralement récurrents dans ces définitions. D’abord, l’autodétermination consiste à exercer du contrôle dans des domaines de vie jugés importants. En effet, si certaines décisions sont anodines et n’ont pas une influence considérable sur notre vie, d’autres sont déterminantes telles que le choix d’un travail, d’un lieu de résidence ou d’un ami.
Ensuite, l’autodétermination consiste à exercer sa liberté face aux influences externes. En effet, nous sommes tous influencés et plus ou moins influençables. Or, l’autodétermination implique d’être capable de résister aux influences afin de prendre des décisions en fonction de soi et non pas en fonction des pressions externes.
Enfin, l’autodétermination implique de pouvoir poser des actions afin de façonner le cours de sa vie. Autrement dit, il s’agit d’avoir la possibilité d’agir pour obtenir ce que l’on souhaite. Il ne s’agit toutefois pas de pouvoir tout faire seul. Nous avons tous besoin les uns des autres pour arriver à nos fins. Une personne autodéterminée est toutefois capable de solliciter son entourage pour obtenir ce qu’elle veut.
Ces quelques éléments de définition suggèrent que nous sommes tous concernés par l’autodétermination. En effet, indépendamment de nos caractéristiques personnelles, nous cherchons tous à nous autodéterminer, puisqu’il s’agit d’un besoin fondamental. Toutefois, notre façon de nous autodéterminer varie en fonction de notre âge et de nos caractéristiques personnelles.
Par exemple, un enfant insistera pour faire des choses par lui-même, plus il avancera en âge. Un adolescent revendiquera la possibilité de faire certaines sorties et de rentrer plus tard, car il souhaite avoir une plus grande marge de manœuvre. Un adulte voudra avoir la possibilité d’exercer un certain contrôle sur la façon dont il exerce son travail.
L’autodétermination chez une personne présentant une déficience intellectuelle
Est-ce qu’une personne présentant une déficience intellectuelle peut aussi s’autodéterminer? Absolument! D’ailleurs, le thème de l’autodétermination a pris au cours des 30 dernières années un espace croissant dans les recherches menées sur la déficience intellectuelle. En effet, plusieurs chercheurs ont constaté que les personnes présentant une déficience intellectuelle ont un niveau d’autodétermination plus faible que les personnes sans déficience intellectuelle.
La mise en place d’un environnement favorable à l’autodétermination
Les personnes qui ont un niveau d’autodétermination élevé ont aussi une meilleure qualité de vie, un sentiment de bien-être plus élevé et de meilleures relations interpersonnelles. Heureusement, plusieurs études ont également fait la démonstration qu’il est possible d’accroître son niveau d’autodétermination, notamment en aidant la personne à développer ses capacités à s’autodéterminer et en mettant en place un environnement qui est favorable à l’autodétermination. Voici quelques repères pour y parvenir.
1. Le développement des capacités à s’autodéterminer
D’abord, développer les capacités à s’autodéterminer signifie de reconnaître comment une personne cherche à exercer du contrôle sur sa vie et de l’aider à développer des moyens pour y parvenir. Autrement dit, toute personne cherche à s’autodéterminer, mais pas nécessairement de la même façon. Par exemple, une personne polyhandicapée pourra exercer du pouvoir sur sa vie en manifestant sa satisfaction ou son insatisfaction par des gestes ou des sons qu’un accompagnateur attentif pourra décoder. Ainsi, il est essentiel de se rappeler que l’on s’autodétermine tous d’une façon unique.
2. L’encouragement à la prise d’initiatives
Développer la capacité à s’autodéterminer implique notamment d’encourager les prises d’initiative. Pour une personne, prendre une initiative pourrait être de trouver soi-même une solution à un problème vécu. Pour une autre personne, il pourrait s’agir de se déplacer seul dans la ville, de faire une demande à un adulte ou d’entreprendre un loisir. Encore une fois, cela est unique pour chaque personne. Toutefois, il est important ici de distinguer le fait que toutes nos prises d’initiative ne mènent pas à des succès.
En effet, nous avons tous un jour ou l’autre voulu tenter une nouvelle expérience qui n’a pas donné les résultats souhaités! Ainsi, dans notre accompagnement de la personne ayant une déficience intellectuelle, il sera nécessaire d’encourager le fait que la personne prenne des initiatives, même si elle peut se tromper ou faire des erreurs. C’est la seule façon d’apprendre! Dans tous les cas, il est nécessaire d’éviter que la personne prenne une attitude passive qui l’amènerait à attendre que les autres prennent des décisions pour elle ou la dirige constamment.
3. Le développement de certaines compétences
En plus de prendre des initiatives, d’autres capacités contribuent à notre autodétermination : faire des choix, prendre des décisions, résoudre des problèmes, apprendre à se connaître, savoir se fixer des buts, savoir prendre des risques et assurer sa sécurité, apprendre à défendre ses droits, etc. Chaque fois que nous travaillons à développer ses capacités chez une personne, nous contribuons au développement de son autodétermination.
4. Le rôle des accompagnateurs
Créer un environnement favorable à l’autodétermination signifie que la personne se retrouve dans un contexte de vie où elle a la possibilité de s’autodéterminer. Par exemple, si je me retrouve dans un environnement où toutes les décisions sont prises pour moi, où je ne suis que rarement sollicité pour donner mon opinion, la possibilité de m’autodéterminer sera nécessairement réduite. Créer un environnement favorable à l’autodétermination implique donc que la personne a de l’espace pour pouvoir s’exprimer et faire connaître ses préférences. Cet environnement favorable passera d’abord par les personnes qui accompagnent la personne ayant une déficience intellectuelle dans son quotidien.
En effet, que ces accompagnateurs soient des proches ou des professionnels, ont-ils la conviction que la personne a une identité propre et qu’elle peut exprimer des préférences dont il faut tenir compte? Ont-ils la croyance fondamentale qu’il est bénéfique pour la personne de s’autodéterminer, quelles que soient ces caractéristiques?
Le regard posé par l’accompagnateur sur la personne ayant une déficience intellectuelle est ici fondamental pour créer un environnement favorable à l’autodétermination. De là l’importance que tant les proches que les professionnels disposent d’une formation à l’autodétermination pour bien comprendre son importance dans la vie de la personne et disposer de moyens pour la favoriser. L’accompagnateur devient alors une personne qui soutient l’exercice de l’autodétermination.
Ajoutons également que la capacité de tous ceux qui accompagnent la personne ayant une déficience intellectuelle à collaborer est également nécessaire pour favoriser l’autodétermination. En effet, plus nous travaillons de concerts et de façon cohérente pour encourager la personne à s’autodéterminer, plus la personne osera prendre des initiatives et exprimer ses préférences.
5. L’environnement matériel et physique
L’environnement matériel et physique aura également un rôle important à jouer pour s’autodéterminer. En effet, est-ce que la personne dispose de ce qu’il faut pour prendre des initiatives ou pour exprimer ses préférences? Sur ce plan, certaines technologies peuvent être aidantes lorsqu’elles permettent à la personne de prendre des initiatives. Par exemple, certaines applications peuvent aider une personne à réaliser seul certaines tâches du quotidien et, de ce fait, lui permettre par exemple de choisir quand et comment les réaliser.
L’autodétermination pose aussi de nombreuses autres questions. Que faire si la personne manifeste vouloir réaliser des projets qui apparaissent objectivement irréalistes? Comment s’éloigner de la surprotection pour encourager l’autodétermination? Que faire si les projets de la personne l’amènent à prendre des risques? Peut-on s’autodéterminer sans prendre de risques? Y a-t-il des limites à l’autodétermination? Je tenterai d’aborder certaines de ces questions dans de prochains articles afin de mieux comprendre comment il est possible d’accompagner à l’autodétermination. Dans un prochain article, je vous propose de découvrir comment il est possible, à tout âge, de développer son autodétermination.