Du plus jeune âge jusqu’à la vieillesse, notre parcours de vie est parsemé de transitions. De la garderie à l’école, de l’école au marché du travail, d’un milieu de vie à un autre, voilà autant d’occasions qui nous amènent à identifier nos préférences, à prendre des décisions, à nous projeter dans l’avenir. Bref, voilà de belles occasions d’autodétermination!
Transitions et déficience intellectuelle
Plusieurs études ont jusqu’à maintenant démontré que les jeunes et les adultes ayant une déficience intellectuelle qui ont un niveau d’autodétermination plus élevé vivent mieux les transitions dans lesquelles ils sont engagés. Pourquoi? Parce qu’ils ont une perception de contrôle sur ce qui leur arrive. En effet, le fait d’exprimer des préférences, de faire des choix et de prendre des décisions concernant son futur donne confiance en ses moyens.
Accompagner les transitions sans contrôler la personne
Une transition, c’est comme la toile vierge du peintre. Lorsqu’il la pose sur un chevalet, il peut alors y peindre ce que son imagination lui inspire. La transition nous donne l’occasion de « peindre » une nouvelle étape de notre vie. Lorsque nous accompagnons une personne ayant une déficience intellectuelle, notre défi est de nous assurer qu’elle peigne sur sa toile ce qu’elle souhaite réellement, et non pas ce qu’on souhaite pour elle. Est-ce dire que nous n’intervenons pas dans ce processus? Pas du tout! Notre rôle est plutôt de nous assurer de la bonne taille de la toile, d’attirer son attention sur les couleurs à sa disposition, de vérifier qu’elle a les bons pinceaux pour poser les couleurs, etc. Bref, notre défi est de la soutenir sans la contrôler.
Quelles capacités liées à l’autodétermination sont importantes en période de transition?
Vivre une transition implique de se projeter dans le temps. Quel emploi vais-je occuper à la fin de ma scolarisation? Où vais-je habiter lorsque je quitterai le nid familial? Comment vais-je occuper mon temps à la retraite? Toutes ces questions impliquent d’anticiper l’avenir, ce qui représente un défi important pour plusieurs personnes ayant une déficience intellectuelle. Voici quelques suggestions pour soutenir l’autodétermination, et plus particulièrement la composante de « l’autorégulation », en période de transition.
Les rituels de passage
À chaque transition est associé un rituel de passage. On vit une « collation des grades » lors de l’obtention d’un diplôme. On « pend la crémaillère » lorsqu’on intègre un nouvel appartement. Ces rituels sont des signes tangibles d’un changement. Pour les personnes ayant une déficience intellectuelle, ces rituels sont encore plus importants parce qu’ils permettent de rendre concrètes les transitions. S’engager dans un rituel de passage, c’est une façon réelle d’amorcer un changement. C’est aussi une façon de le célébrer, de le présenter positivement malgré le stress qui peut s’y vivre.
Les lignes du temps
On le sait bien, tous les outils visuels peuvent être d’une grande aide pour soutenir l’apprentissage des personnes ayant une déficience intellectuelle. Ainsi, positionner sur une ligne du temps par une image ou une photo un changement à venir par rapport à d’autres événements peut être une façon de se préparer. Par exemple, on peut situer sur une ligne du temps différents événements de la vie scolaire pour situer la transition qui s’amorce vers la vie adulte.
Les portfolios
Qu’on les appelle « carnet de vie » ou « portfolio », ces outils permettent de témoigner de l’évolution d’une personne. On peut y mettre des photos, des images, des récits, etc. Bref, on y met différents éléments qui permettent à la personne de se rappeler différents souvenirs, mais aussi d’exprimer des préférences. Par exemple, on peut y trouver la photo et le récit d’un voyage que la personne a aimé, un rêve qu’elle souhaite réaliser, un ami qui est cher, etc. En période de transition, il peut s’agir d’un moyen particulièrement efficace pour aider la personne à faire des choix en fonction de ses réelles préférences.
Les temps de « rétroactions »
Les nouvelles expériences sont des occasions formidables de rétroaction. En effet, c’est l’occasion de faire des découvertes sur soi et d’identifier ce que l’on aime, ce que l’on préfère, ce que l’on souhaite, etc. Toutefois, pour que ces expériences soient véritablement formatrices et qu’elles aident à faire des choix, les temps de rétroactions sont indispensables. Prenons l’exemple d’une personne qui visite un milieu de travail potentiel afin de vérifier son intérêt à y travailler. À la suite de cette visite, demander à la personne si elle aimerait ou pas y travailler n’est pas suffisant. En effet, la personne pourrait répondre positivement pour vous faire plaisir, parce qu’elle croit que c’est ce qu’on attend d’elle, parce qu’elle ne croit pas avoir vraiment le choix, etc. Les temps de rétroactions permettent à la personne de raconter son expérience en nommant ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu, ce qu’elle a fait, qui elle a rencontré, etc. L’objectif est d’alors de l’aider à mettre des mots sur son expérience pour ensuite l’amener à nommer ce qu’elle souhaite pour l’avenir. Veut-elle retourner à cet endroit? À quelle condition? Aimerait-elle y travailler? Ce qui compte pour l’accompagnateur, c’est d’avoir alors une posture de neutralité afin de bien transmettre le fait que la personne est libre de son choix.
Conclusion
En terminant, toutes les transitions ne sont pas choisies et désirées. Pensons aux ruptures amoureuses, aux pertes d’emploi ou encore à la maladie qui peut parfois forcer certaines transitions. Dans tous les cas, en misant sur l’autodétermination de la personne, on préserve la perception de contrôle et de pouvoir sur la situation, même lorsqu’elle n’est pas choisie et qu’elle implique le deuil de quelque chose qu’on a beaucoup aimé. Bref, si les transitions sont au cœur de notre vie, l’autodétermination est au cœur de ces transitions!