3 octobre 2020
Mis à jour le : 9 décembre 2024

Développer son autodétermination… tout au cours de la vie!

Par Martin Caouette, Ph. D., Ps. Ed.

Titulaire de la Chaire Autodétermination et Handicap

Dans précédent article, je vous proposais quelques points de repère pour bien comprendre ce qu’est l’autodétermination. Dans cet article, nous abordons différentes façons de soutenir le développement de l’autodétermination tout au cours de la vie.

L’autodétermination chez l’enfant

Dès la petite enfance, l’autodétermination commence à se manifester!

Dès le plus jeune âge, il est possible d’observer des manifestations d’autodétermination chez le plus jeune. Rappelez-vous ces moments où votre enfant vous a dit : « Je veux le faire tout seul! » Ou encore, toutes ces occasions où il vous posait mille et une questions pour mieux comprendre ce qui se passait autour de lui : « Pourquoi le ciel est-il bleu? Et qu’est-ce qu’il y a au bout du ciel! » Toutes les manifestations d’autonomie et les comportements d’explorations témoignent en quelque sorte d’une recherche d’autodétermination.

Dans le développement typique, ces manifestations vont apparaître progressivement et il est important de les encourager, tout en apprenant à l’enfant certaines limites afin d’assurer sa sécurité.

Dans un développement atypique, comme c’est souvent le cas pour les plus jeunes ayant une déficience intellectuelle, ces manifestations doivent d’autant plus être valorisées et encouragées. Comment y arriver? En encourageant l’enfant à prendre des initiatives, en reconnaissant ses efforts, en lui permettant de faire par lui-même sans faire à sa place.

Le début de la scolarité, un terreau de plus en plus fertile à l’autodétermination!

La première rentrée scolaire fait vivre aux parents différentes émotions. Comment se passera la journée de mon enfant? Comment se comportera-t-il? Ce sentiment de « perte de contrôle » sur le quotidien de son enfant illustre bien que l’enfant a maintenant un nouveau contexte de vie. Dans ce quotidien, il a de nouvelles occasions de s’exprimer, faire connaître ses préférences, développer de nouvelles relations, etc. Il apprend, en quelque sorte, à se connaître, à se bâtir un univers bien à lui. Il en apprend davantage sur lui-même.

Dans un développement typique, notre enfant peut nous faire part spontanément de ce qu’il apprend, de ce qu’il aime, des nouvelles relations qu’ils nouent, etc.

Dans un développement atypique, il peut être bon de refléter à notre enfant ce que nous remarquons chez lui. Qu’est-ce qu’il aime, avec qui aime-t-il jouer, à quoi réagit-il particulièrement? C’est une façon de l’aider à prendre conscience de ses préférences et de son unicité. Pour l’enfant ayant des limites importantes, toutes les occasions qui sont créées et qui nous permettent de reconnaître ses préférences nous aideront à mieux soutenir son autodétermination.

L’autodétermination chez l’adolescent

L’adolescence et ses turbulences! En faisant une lecture de cette période à la lumière de l’autodétermination, on peut facilement y reconnaître une quête pour exercer davantage de pouvoir sur sa vie. Tous les adolescents, d’une façon ou d’une autre, cherchent à prendre davantage de décisions pour eux-mêmes.

Dans un développement atypique, il faut à la fois reconnaître ces manifestations, mais aussi les encourager. En d’autres termes, l’adolescence marque un passage vers l’âge adulte. Accompagner son adolescent vers plus d’autodétermination, c’est le soutenir dans cette transition et reconnaître qu’il peut maintenant faire de nouveaux choix qu’un enfant ne peut pas faire. Il faut lui permettre de découvrir ce qu’est la vie d’un adolescent, en évitant de le maintenir dans une posture d’enfant.

Il s’agit bien évidemment d’une période exigeante pour les parents et il peut parfois être tentant de limiter les possibilités de son enfant, en cherchant à le protéger. Si assurer la sécurité de son enfant est essentiel, il faut aussi être conscience qu’il n’y a parfois qu’un pas entre la protection et la surprotection. Quelles sont les nouvelles possibilités que mon enfant peut vivre à l’adolescence? Voilà une question importante à laquelle il est nécessaire de répondre.

L’autodétermination à l’âge adulte

Le début de l’âge adulte : que de décisions à prendre!

Rappelez-vous toutes ces décisions que vous avez prises entre 18 et 25 ans : travail, amour, logement, loisirs, amitiés, etc. Plusieurs de ces décisions ont probablement encore un impact sur votre vie actuelle. Cette période est celle qui a été le plus étudiée en ce qui concerne l’autodétermination des personnes présentant une déficience intellectuelle.

L’accompagnement offert au cours de cette période sera capital pour la suite de la vie. Faire découvrir les possibilités qui s’offrent à notre enfant, l’accompagner dans ses choix sans projeter nos propres préférences, lui permettre de vivre des étapes similaires à celles que tous vivent sont des façons de soutenir l’autodétermination.

Pour ceux qui ont des limites plus importantes, il est aussi essentiel de reconnaître que les préférences évoluent au cours de cette période, que les besoins changent et qu’ils se manifestent peut-être autrement.

L’âge adulte : le plein exercice de sa citoyenneté!

L’âge adulte constitue la période où on exerce au maximum son autodétermination. Or, il est possible que nous soyons davantage autodéterminés dans un secteur de vie par rapport à un autre. Certains d’entre nous exercent beaucoup de pouvoir sur leur travail et moins sur leurs loisirs. D’autres en exercent davantage dans leur vie de couple et moins dans leur vie familiale.

Pour la personne présentant une déficience intellectuelle, il devient nécessaire de l’aider à exercer du contrôle dans les secteurs de sa vie qu’elle juge importants. Par exemple, a-t-elle la possibilité d’exprimer ses souhaits par rapport à son travail ou ses activités de loisirs? Sait-elle qu’elle peut changer de loisirs, vivre de nouvelles expériences, exprimer des préférences? Nous ne voulons surtout pas que la personne soit passive, ce qui la rendrait encore plus vulnérable. Au contraire, nous souhaitons tous que notre enfant à l’âge adulte soit capable de s’affirmer. Dans ce contexte, il devient essentiel de l’encourager à s’exprimer, de lui permettre de donner son opinion, même si la façon de faire n’est pas toujours optimale.

La vieillesse : préserver son autodétermination!

Plus on avance en âge, plus nous sommes susceptibles de vivre des situations limitantes découlant de la maladie ou l’âge. Trop souvent, certains ainés sont infantilisés, comme si la possibilité de prendre des décisions leur avait été retirée. Peu importe que nous ayons une déficience intellectuelle ou non, respecter les préférences de la personne et en tenir compte dans notre accompagnement est essentiel. Cela veut dire de la solliciter au maximum pour les décisions le concernant. Cela peut aussi vouloir dire de tenir compte de ses particularités pour créer un cadre de vie qui correspond à ses préférences. La vieillesse ne constitue en rien la fin de l’autodétermination.

En conclusion, rappelons-nous que le quotidien est rempli d’occasions permettant à une personne d’exercer son autodétermination. Il suffit bien souvent à nous, comme parent ou accompagnateur, de rendre ses occasions possibles. Dans un prochain article, je vous propose d’aborder la notion du risque et de l’autodétermination.

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